Décès de Monsieur Jean-Louis MASSOUBRE

Monsieur Jean-Louis MASSOUBRE, député honoraire de l’Assemblée nationale française, né le 17 août 1938 à Perpignan, est décédé à son domicile parisien le 15 février 2016 des suites d’une longue maladie.
 
Un homme politique
Ancien élève de l'École normale supérieure (rue d'Ulm), promotion de 1959, diplômé d'Études supérieures en sociologie, avec un mémoire dirigé par le professeur Raymond Aron, Monsieur Jean-Louis Massoubre fut un élu gaulliste du Nord de la France de 1967 à 1981. Député de la 2ème circonscription de la Somme, il a exercé, en parallèle, des mandats de conseiller général du canton de Montdidier (1967-1979) et de maire d’Arvillers (1971-1977).
 
Monsieur Jean-Louis Massoubre a commencé sa carrière politique dans les cabinets ministériels, en mars 1963, à l’âge de 24 ans. Il fut notamment attaché parlementaire au ministère de l’Agriculture (1963-1966) sous Edgard Pisani, alors ministre de l’Agriculture, puis au ministère du Commerce extérieur (1966-1967) sous Charles de Chambrun, alors secrétaire d’État au Commerce extérieur.
 
Monsieur Jean-Louis Massoubre fut élu député de la 2ème circonscription de la Somme, la première fois, en mars 1967 avec un score de 53,5%, supérieur à la moyenne nationale, et devint ainsi le vice-benjamin de l’Assemblée nationale à 27 ans. Ces élections furent gagnées de seulement un siège par la majorité au pouvoir, c’est dire l’importance de ce scrutin. Il fut réélu aux élections législatives suivantes de 1968, de 1973 et de 1978. 
 
 
Une action politique engagée et efficace dans sa région


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Au cours de ses quatre mandats de député, Monsieur Jean-Louis Massoubre siégea à la commission des Affaires étrangères, à la commission des Affaires économiques et sociales et à la commission de la Production et des Échanges. Il effectua notamment trois missions d'importance à l'étranger ; en 1968 au Vietnam et au Nigeria et quelques années plus tard en URSS. En 1971, il fut également rapporteur du projet de loi relatif aux relations entre la Caisse primaire d’assurance maladie et les médecins.
 
Son effort parlementaire fut particulièrement concentré dans sa circonscription où il s'est distingué en privilégiant l'axe économique dans son action politique. C’est notamment en créant des zones industrielles et en attirant des entreprises du secteur agroalimentaire et des transports, ainsi qu’en obtenant le raccordement de Montdidier à l’autoroute A1, qu’il assura à la fois le désenclavement de ce territoire et un solde de l’emploi positif en fin de mandat.
 
Son grand honneur fut de participer à l'exercice de la souveraineté nationale au travers de son mandat de député et de servir la France sous l’un de ses personnages les plus éminents, le général De Gaulle. Les militants gaullistes qui l’entourèrent durant ses mandats furent ses compagnons et ses amis. Ce sont eux qui tinrent une place importante dans son inspiration politique et représentaient un des souvenirs affectifs les plus forts de sa vie. Ils étaient de toutes les couches sociales et constituaient un mouvement authentiquement populaire.
 
 
 
Un homme brillant et philosophe


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Jean-Louis Massoubre fut un étudiant – un khâgneux dans le dialecte universitaire – des plus brillants. Également compétent en latin, grec, histoire, philosophie, littérature française, il est reçu (6ème à l'oral et 11ème à l'écrit) au concours d'entrée de la prestigieuse " rue d'Ulm" et ce avec la particularité de s'y être présenté en tant que candidat libre, soit le 1er depuis la Libération. Passionné par la métaphysique, très bien noté à son oral de philosophie par le grand hégélien Jean Hyppolyte, il fait choix, comme discipline, de la philosophie. A la différence de ses condisciples d'alors, il n'est ni marxiste, ni catholique progressiste, mais se définit plaisamment comme athée et comme hégélien sceptique. Il se détourne assez vite d'une carrière universitaire, car il se sent étranger au climat intellectuel qui règne alors à la rue d'Ulm sous l'influence regrettable du philosophe Louis Althusser, dont on connaît le destin ultérieur. Confronté par la suite à la réalité politique, Jean-Louis Massoubre prédit dans son livre C’était, édité par Julliard en 1972, la fin du marxisme, impensable à l’époque.
 
 
 
Une rencontre exceptionnelle avec le Bouddhisme
 


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Parallèlement à sa vie politique, Jean-Louis Massoubre poursuivit continuellement sa réflexion philosophique et sa recherche spirituelle et trouva sa voie dans le bouddhisme. Tout commença avec la lecture de livres de vulgarisation qu'il achetait avec son épouse Ann Gould qui s'y intéressait également. La notion de conscience ordinaire qui s'attache à une dualité entre sujet et phénomènes et la conscience plus élevée qui transcende cette dualité à travers la vacuité et la méditation l'intéressèrent particulièrement. Jean-Louis Massoubre fut également  touché par l'extraordinaire charisme de Sa Sainteté le 16ème Karmapa (1924-1981) dont il fit la connaissance assez fortuitement en janvier 1975 à Paris lors de son premier voyage en Occident. Cette rencontre fut décisive et amena Jean-Louis Massoubre à poursuivre sérieusement l'étude et la mise en pratique du bouddhisme, mais aussi à promouvoir son essor en France.
 
Il soutiendra et facilitera généreusement la venue et parfois l'installation en France de nombreux maîtres bouddhistes du Tibet ; parmi les plus renommés : Kalu Rinpoche (1905-1989) dont il fut très proche, Lama Guedune (1918-1997), Pawo Rinpoche (1912-1991) et Lopön Tenzin Namdak (1926-). Son domicile parisien sera un lieu d’accueil et d'échanges pour tous les maîtres tibétains qui ont marqué l’histoire du Bouddhisme en France pendant près de 40 ans.
 
Un soutien discret et déterminant pour le bouddhisme en France
Humble et discret mécène, connaissant bien les institutions, Jean-Louis Massoubre contribuera au développement de nombreux lieux consacrés à l'étude et à la pratique du Bouddhisme : Dhagpo Kagyu Ling, Montchardon et Plaige, entre autres. Il suggéra l’idée notamment de transformer leur Association de loi 1905 en Congrégation à l’image des Congrégations catholiques afin d'obtenir le statut de religion au regard de l'État français. En 1986, l'État français reconnaît officiellement l'école Karma Kagyu sous l'autorité spirituelle du 14ème Shamarpa en tant que religion établie et pratiquée en France. Cette reconnaissance mènera par la suite à la création de l'Union Bouddhiste de France (UBF) qui fédère aujourd'hui toutes les différentes obédiences du bouddhisme, 4ème religion de France avec 1 million de pratiquants, et en assure le lien avec les autorités publiques. À Paris, Jean-Louis Massoubre, rend possible la construction de Kagyu Dzong sur le site actuel de la Grande Pagode du bois de Vincennes et suggère à Bernard Lebeau et Jacques Martin, les fondateurs de l’UBF de prendre en charge la gestion de la Grande Pagode qui abritait précédemment l’Institut International Bouddhiste.
 
Son intérêt profond pour le bouddhisme trouve également son reflet dans la reconnaissance en 1978 par le 16ème Karmapa et Kalu Rinpoche de son fils cadet, Ananda Massoubre, en tant que toulkou (réincarnation d'un saint bouddhiste) du nom de
Karma Trinlay Rinpoche.
 
Un homme dévoué aux autres
Jean-Louis Massoubre, adepte des principes d'un gaullisme social, conjuguait ces valeurs avec celle du bouddhisme, profondément humaines et bienveillantes. Conscient de l'importance qu’une meilleure connaissance du bouddhisme pouvait apporter à l'Occident, il fut, tout en restant discret de par son attachement au principe de la laïcité qui revêt tant d'importance en France, un acteur néanmoins majeur dans l’implantation du bouddhisme en France.
 
Il consacra les dernières années de sa vie à s’occuper de son père, Émile Massoubre, décédé à l’âge avancé de 103 ans, et à pratiquer autant qu'il le pouvait la grande complétude (rdzogs chen) en suivant notamment les instructions et méthodes de la tradition Bön. Ses dernières actions et volontés furent, entre autres, le financement d'un Stupa en mémoire du 16ème Karmapa dont il souhaitait que l'édification se fasse sur le site consacré par le Karmapa sur la côte de Jor en Dordogne ainsi que la création d'un fonds de dotation pour soutenir l’activité de traduction, de diffusion de la littérature culturelle, scientifique, médicale et philosophique indo-tibétaine ainsi que de comparaison de ladite littérature avec celle qui s’est développée en parallèle en Occident.
 
Entouré de sa famille, Jean-Louis Massoubre s'est éteint paisiblement priant le Karmapa, envers qui il avait une grande dévotion, en pleine possession de sa conscience dans l'état naturel.
 
Selon ses souhaits, les cérémonies funéraires sont célébrées selon les rites bouddhiques et ses cendres seront dispersées dans les quatre lieux saints du berceau du Bouddhisme en Inde. Au terme des sept semaines de deuil, suivant la tradition bouddhique, un hommage lui sera rendu à la Grande Pagode du Bois de Vincennes
le samedi 2 avril à 11 heures.
 
Jean-Louis Massoubre laisse derrière lui : trois enfants, M. Sigmar Massoubre (né en 1970), M. Ananda Massoubre (né en 1975) et Mlle Joanne Massoubre (née en 1988) ainsi que deux petits-enfants, Eymar Massoubre (né en 2009) et Adela Massoubre (née en 2014).
 

© 2016 Karma Euzer Ling